Commission d’enquête soviétique
Commission de Tarnopol, document 4406
Acte (abrégé)
Juin 1944
Ville : Tarnopol
La commission de la ville se composait des membres suivants :
Les délégués du Soviet Suprême : Komponec I.K., Panasenko, A.D. ; les délégués de la ville : Zueva, I.P., le capitaine Gudemchuk, J.A., le chef du département de la santé Wojtkewich, M.L., le prêtre de la ville Yvantiuw, A.A., le capitaine (justice) Nowikowa, A.M., le major (justice) Kozachenko, K.A., avec la participation active du substitut du médecin-légiste du premier front ukrainien, le major M/S Chervinskotto, P.I., et les membres de la commission spéciale du gouvernement.
Kuzmina, S.T. a rédigé cet acte, établissant que, durant les périodes du 26-29 juin et du 27-29 juillet 1944, une enquête fut conduite sur les atrocités nazies commises dans la ville de Tarnopol et la contrée environnante, où des tombes collectives furent ouvertes.
Les faits suivants ont été établis :
L’armée fasciste allemande a occupé Tarnopol le 2 juillet 1941. Le 15 avril 1944, la cité a été libérée par l’Armée rouge. Les brutalités nazies ont commencé immédiatement contre la population civile. Les vols et les tirs contre des personnes innocentes n’ont jamais cessé. Le comptable Melcnev et le marchand Mester ont été tués parcequ’ils ne se montraient pas assez amicaux envers l’armée nazie entrant dans la ville.
Durant les premiers jours de l’occupation nazie, les Allemands ont commencé à rassembler et à abattre des citoyens soviétiques de nationalité juive. Avec l’aide des nationalistes ukrainiens locaux, les Allemands ont chassé les gens dans les rues de Tarnopol, les battant sans pitié et abattant nombre d’entre eux sur place.
Le témoin oculaire Glass, L.L., a vue la scène tragique de la rue Ostrowski où 80 personnes environ furent abattues. Au 32 de la rue de Lvov, 50 personnes environt furent assassinées. Mittelman, N.J., a été témoin de la dernière scène. La témoin oculaire Bondarenko a vu des atrocités nazies dans la ville de Tarnopol. Elle a vu la fille de Mr. Keller, qui lui a dit qu’elle venait d’être violée par un Allemand et que son père et deux de ses Frères avaient été abattus. La Dr. Kalyna a aussi été tuée pour avoir résisté à une tentative de viol.
Les soldats allemands se comportaient comme des sauvages dans les rues, tuant quiconque tombait entre leurs mains. Les gens avaient peur de marcher dans les rues, se verrouillant dans leurs maisons.
Le premier jour de l’occupation nazie, le témoin oculaire Libergal, Y.S., reçut l’ordre de donner à trois hommes de la Gestapo deux paires de chaussures, du tissu, des couvre-lits et des oreillers. La femme reçut l’ordre de porter tout cela dans la voiture qui attendait. Immédiatement apeès la femme et l’enfant furent tués.
Selon les découvertes de la commission d’enquête, environ 5 000 paisibles citoyens soviétiques furent assassinés durant les premiers jours de l’occupation nazie de la ville de Tarnopol, parmi lesquels des femmes, des enfants et des personnes âgées.
Lors des préparatifs des pogromes de masse contre la population juive, les nazis mirent eux-mêmes le feu à une maison et en accusèrent les Juifs.
Le témoin oculaire Eisenstein, B.N., a témoigné que la nuit du 4 au 5 juin 1941, dans la rue russe, où vivaient de paisibles citoyens, la famille Katz (six personnes), la famille Eichenbaum (8 personnes), la famille Turnisch (5 personnes), et environ dix autres familles de la même maison furent enfermées dans leur maison, portes et fenêtres barrées, et que la maison incendiée. Quiconque essayait de fuir cet enfer de feu était abattu par des veilleurs armés. Des voisins qui essayaient d’éteindre des flammes furent accueillis par des tirs de mitrailleuse. Eisenstein fut un des rares à réussir à s’échapper.
Le premier pogrome contres les juifs de Tarnopol eut lieu le 5 juillet 1941. Des soldats, commandés par des SS, pénétrèrent de force dans une maison, dont ils firent sortir tous les hommes. Tous furent conduits près de la maison du citoyen Majky, où ils furent abattus. La maiosn était sur la place du marché.
Le 6 juillet 1941, les Juifs reçurent l’ordre de transporter les cadavres rue Bonia. Après trois ou quatre semaines, les Allemands permirent aux familles des victimes d’enterrer les morts au cimetière. Cette permission ne fut donnée qu’après paiement de 300 à 350 zlotys pour chaque corps.
Telle est la manière dont « l’Ordre nouveau » commença à Tarnopol après le début de l’occupation allemande.
Après le premier pogrome, la communauté juive décida d’envoyer une délégation aux autorités allemandes pour leur demander de cesser de traiter les Juifs avec brutalité. Les Juifs pensaient que les brutalités nazies n’étaient commises que par des unités militaires en marche et que seules celles-ci étaient responsable de la conduite inhumaine envers les Juifs. Une délégation d’environ 100 hommes, composé des gens les plus instruits (médecins, avocats, professeurs, instituteurs, etc.) s’en fut rencontrer les autorités allemandes.
La délégation juive fut reçue avec hostilité. Tous furent arrêtés et conduits au village de Petrikow, où ils furent abattus.
Après cette tragédie, les autorités allemandes décidèrent d’organiser le « Judenrat » (conseil juif). La Gestapo ordonna à 15 personnes de se présenter, leurs suggérant d’établir le comité. Tous refusèrent d’en faire partie. Ils furent conduits à la fabrique de briques, rue Tornovska, où ils furent enterrés vivants.
Le témoin Fishman, L.M., a témoigné que parmi ceux qui furent enterrés vivants se trouvaient les docteurs Ginsburg Isak, Horowitz Salomon, Weistaub Samuel et Bereon Isa. Après le meurtre brutal de 15 médecins, la Gestapo espérait conduire par la terreur les Juifs à la soumission. Avec la création du Judenrat, la Gestapo espérait réaliser son plan de pillage et d’extermination de la population juive.
La Gestapo ordonna à Mr. Gotfried, directeur de l’école juive, de se présenter. Il reçut l’ordre de rassembler 40 personnes parmi les gens instruits pour créer le comité. On lui promit que rien ne lui arriverait. Il réussit à trouver 40 personnes. Après l’arrivée de la délégation à la Gestapo, 10, rue Mickewicha, le groupe refusa d’accepter l’offre. En réponse, la Gestapo et la police conduisirent les gens au cimetière juif, où ils furent brutalement battus et reçurent l’ordre de creuser un tombeau. Les victimes furent attachées avec du fil de fer barbelé et torturées sans pitié. Les yeux furent arrachés ainsi que les doigts et les oreilles. Elles furent ensuite jetées dans les fosses et recouvertes de terre.
Parmi les 40 personnes, la Gestapo épargna Gotfried et l’interprète Kapan, auxquels ils dirent qu’ils ne les tueraient pas. Ils devaient pourtant mourir. Kapan fut plus tard abattu et Gotfried fut envoyé au camp d’extermination de Belzec. On ne sait pas ce qu’il est devenu.
Après les deux tentatives futiles de créer un comité juif, la Gestapo décida d’organiser elle-même cette instance. A la fin de 1941, les autorités allemandes organisèrent le Judenrat.
La Gestapo donna les ordres suivants :
1) Décompte exact des Juifs de Tarnopol.
2) Durant sept jours, une somme de 20 000 roubles en or doit être versée.
Au cas où cet ordre n’était pas exécuté, un second pogrome contre les Juifs prendrait place.
3) Tous les Juiufs reçurent l’ordre de porter l’étoile de David.
4) Les maisons juives devaient être marquées du même signe.
5) Mobilisation de tous les Juifs de 14 à 50 ans pour du travail physique difficile.
Le comité juif réalisa le recensement de la population juive. Le nombre était de 20 000. La Gestapo prévint le comité que chaque brassard avec l’étoile de david couterait 50 zlotys et que le signe pour les maisons couterait 100 zlotys. Tous ceux qui seraient trouvés en infraction seraient pénalisés d’une amende de 500 zlotys ou exécutés.
En août 1941, des ordres spéciaux furent émis par les autorités allemandes. Les Juifs se voyaient inrdire de marcher dehors sans l’étoile de David, de rouler en bicyclette et de saluer les Allemands. Les Juifs étaient battus qu’ils saluent ou non les Allemands.
Le 5 septembre 1941, les autorités Allemandes émirent un ordre selon lequel quiconque avait des grands-parents juifs devait être considéré comme juif. Jusqu’au 25 septembre 1941, tous les juifs devaient rejoindre le ghetto juif. La mort était la punition pour désobéir à l’ordre. Les rues Perla, Ryga, Pola, Berka, Russka, Lvovska, etc., furent réservées au ghetto. Les rues furent séparées des autres par du fil de fer barbelé et gardées par la police.
Du ghetto, les gens étaient conduits et ramenés du travail en colonnes bien ordonnées, surveillées par la police. La livraison de nourriture au ghetto était interdite. La ration quotidienne dans le ghetto était de 100 à 150 grammes d’ersatz de pain et d’une soupe aqueuse. Les malades du ghetto n’étaient pas traités. Le pourcentage des morts grandissait. Un certain nombre de malades furent tués. Avec l’aggravation des conditions de vie, il arriva souvent que 100 à 150 personnes meurent quotidiennement de privation ou de maladie.
Dans l’intention d’adoucir les mots « pogrome antijuif », les allemands y substituèrent le mot « action », qui sonnait mieux. Pour justifier l’extermination des Juifs, les Nazis déclarèrent que chaque Juif était soit un communiste, soit un capitaliste américain ou anglais, contre qui les Allemands faisaient la guerre. Et si un enfant juif n’était pas présentement un ennemi, il le serait plus tard.
Le 23 mars 1942, « l’action » eut lieu à Tarnopol. Avant que « l’action » ne débute, la Gestapo ordonna au Judenrat de sélectionner tous les enfants et les personnes âgées pour les transférer dans une autre place. Le chiffre attendu était de 3 000. Si l’ordre n’était pas exécuté, la Gestapo en prendrait plus et le ghetto serait détruit avec le reste de ses habitants. Pour trouver une issue à cette terrible situation, le Judenrat versa un pot-de-vin à la Gestapo et le nombre fut réduit à 700.
Le même jour, les victimes furent conduites dans la forêt Janowski où elles furent abattues. Les enfants ne furent ne furent pas abattus. Ils furent jetés vivants dans des fosses et recouverts de terre. Les 40 enfants enlevés du foyer pour enfants furent asphyxiés.
La seconde « action » eut lieu le 31 août 1942. A 4h00 du matin, le ghetto fut encerclé par les SS. A 6h00, la Gestapo arriva au ghetto et commença à dépouiller les habitants, rassemblant la population place du marché, où les hommes furent séparés des femmes. Tous les hommes furent transportés au camp de travail. A 8h00, des camions vides arrivèrent. Les femmes, les enfants et les personnes âgées furent chargés dans les camions et transportés à la station de chemin de fer de Tarnopol. Les gens y furent chargés dans des wagons à bestiaux, environ 100 à 200 par wagon. Leurs destination était inconnue.
La troisième « action » eut lieu le 30 septembre 1942. La quatrième, en octobre 1942 et la cinquième les 8 et 9 novembre 1942. Toutes ces « actions » furent similaires à la première.
Les autorités d’occupation allemandes fascistes conduisirent une politique d’extermination de citoyens soviétiques. De surcroît, elles ordonnèrent le paiement de contributions sous peine de pénalités sévères. En septembre 1942, le Judenrat reçut l’ordre de collecter pour chaque habitant du ghetto 2 grammes d’or, promettant qu’il n’y aurait plus de pogromes antijuifs dans le futur. L’ « amende » fut réunie. La Gestapo réunit plus de 30 kg d’or. Les pogromes continuèrent.
La Gestapo n’extermina pas seulement les citoyens de Tarnopol mais aussi ceux amenés de la région de Tarnopol et d’autres localités. Plus de 50 000 personnes furent transportées à Tarnopol d’autres villes et villages.
Ce ne furent pas seulement de paisibles citoyens soviétiques qui furent assasinés. Plus de 1 000 prisonniers soviétiques de l’Armée rouge furent abattus à Tarnopol.
Les fascistes allemands abattirent également à Tarnopol environ 40 Tchécoslovaques, qui essayaient de traverser la ligne de front en direction de l’URSS pour se sauver.
Dans le village de Borki, la Gestapo détruisit brutalement le camp de concentration. Les barraquements en bois furent imbibés de kérosène et enflammés. Tous les prisonniers périrent dans les flammes. Dans le même camp, des gens furent aussi brûlés vivants sur des piles de bois. Environ 600 personnes se trouvaient dans le camp. Parmi les civils se trouvaient aussi des prisonniers de guerre.
Des partisans soviétiques qui tombèrent entre les mains des Allemands furent aussi abattus. Les corps furent jetés dans la rivière Seret.
En plus de ces méthodes d’extermination de citoyens soviétiques, les fascistes allemands mirent au point des « parties de chasse », rassemblant d’innocentes victimes et les abattant dans la forêt de Dragunov. Six ou sept massacres de ce genre eurent lieu, où périrent près de 8 000 personnes.
À la fin de 1943, les Allemands liquidèrent le ghetto de Tarnopol. Tous les victimes survivantes furent transportées sous forte garde dans la forêt de Dragunov, où elles furent abattues. Après la dernière « action » et la liquidation du ghetto, les Nazis plaçerent [à l’entrée de Tarnopol] un écriteau « Judenfrei », c’est-à-dire « la ville est vide de Juifs ».
Après cela, tout Juif survivant qui tombait dans les mains des Nazis était exécuté sur le champ où conduit dans la forêt de Dragunov, où il était exécuté. Les derniers Juifs des camps furent tous tués le 23 juillet 1943. Parmi les victimes se trouvaient les membres de la police juive, qui avait été crée pour mainteneir « l’ordre » dans le ghetto.
La commission d’enquête a trouvé 26 fosses pendant ses fouilles. Selon les chiffres établis par les médecins-légistes, plus de 18 000 corps de paisib les citoyens soviétiques furent découverts dans ces sépultures collectives.
Selon le rapport d’enquête préliminaire, les fascistes allemands tuèrent à Tarnopol et environs plus de 21 000 citoyens soviétiques innocents, prisonniers de guerre et partisans soviétiques. De surcroît, environ 700 personnes furent transportées par chemin de fer à Belzec. Leur destin n’est pas connu.
La comission considère comme coupables de l’extermination de paisibles citoyens soviétiques, prisonniers de guerre et partisans dans la ville de Tarnopol les personnes suivantes :
1) Général Kittel, commandant de la forteresse de Tarnopol.
2) Général-Major Neiclorf, commandant de la garnison de Tarnopol.
3) « Podpolkovnik » Heinrich Heinsburg, adjoint au commandant de la garnison.
4) Général von Horburn, commandant de la Gestapo de la région de Tarnopol.
5) Rakita, substitut du commandant de la Gestapo de la région de Tarnopol et commandant du camp de travail forcé juif.
6) Capitaine Struchlas, chef d’état major de la Gestapo.
7) Capitaines Welker et Herman, officiers de la Gestapo.
8) Palfinger, Gestapo, spécialiste des questions juives.
9) Dornicla, aide du commandant de la ville de Tarnopol.
10) Rain, agent de la Gestapo.
11) Sturmführer comte von Miller, commandant de la Gestapo de Tarnopol.
12) Leks, Fritz, Commandant en second de la Gestapo.
13) Gagar (Hagar), commandant de la ville de Tarnopol.
14) Mysh, procureur SD.
15) Tumynik, commandant en second du camp juif.
16) Chervonyj, commandant en second chargé des exécutions.
17) Rieman-Rheinish, agent de la Gestapo de Miller.
18) Borykovich, Olejnik, agents de la Gestapo.
19) Parmor, Ernst, commandant du camp de prisonniers de guerre.
20) Sklaryk, Reitord, Weipel, Gibky, Winkler, Gensprowski, criminels.
21) Spinger, Fleg Willy, police secrète.
22) Chechowich, Wasia, agent de la police secrète (polonais).
Traitres à la patrie, policiers (nationalistes ukrainiens) :
1. Madarskii.
2. Salema.
3. Jawnij.
4. Shtyk.
5. Pawtos Oleska.
6. Gulko.
7. Wassh Myron.
8. Wysotskij.
9. Zborowski.
10. Chowrow.
11. Barasa.
12. Martynevich.
13. Kochurka.
14. Shkombora.
15. [Illisible].
16. Shkambara Konstantin.
17. Pshzhemirski.
18. Kucan.
19. Mushka Taras.
20. Shaderskyj.
21. Chomowa, agent de la police secrète.
22. Rychmowskij, commandant de la police.
23. Kobylenskij Kostia.
24. Grinfeld (juif).
25. Blimfeld, commandant de la police juive.
26. Weinstein, police juive.
27. Fuchs, police.
28. Jampolex, police.
Commission :
1. Député du soviet suprême de l’URSS Kornpariets.
2. P.S. Nasenko.
3. Député du soviet municipal Zue, I.P.
4. Capitaine Gudemchuk, J.A.
5. Chef de l’institut médical Wojtkewich, M.I.
6. Prête de la ville Ivantiuw, A.A.
7. Capitaine (justice) Nowikov, A.M.
8. Major (justice) Kozachenko, K.A.
9. Major M/C Cherninskij, P.J.
10. Représentant de la commission extraordinaire du gouvernement de l’URSS Kuzinin, S.T.
[Termes techniques relatifs à la traduction au sceau du document officiel].