Chef d’accusation n° 3 : Crimes de guerre
(référence : Statut du tribunal, article 6, spécialement 6 (b))
VIII – Qualification de l’infraction.
Tous les accusés ont commis des crimes de guerre entre le 1er septembre et le 8 mai 1945 en Allemagne et dans tous les pays et territoires occupés par les forces armées allemandes, depuis le 1er septembre 1939, ainsi qu’en Autriche, Tchécoslovaquie, Italie et haute mer.
Tous les accusés, agissant de concert avec d’autres, conçurent et exécutèrent un plan concerté ou complot pour commettre des crimes de guerre tels qu’ils sont définis dans l’article 6b du Statut. Ce plan impliquait, entre autres choses, la pratique de la « guerre totale », y compris des méthodes de combat et d’occupation militaire en opposition directe avec les lois et coutumes de la guerre, la perpétration de crimes commis : sur le champ de bataille au cours de rencontres avec des armées ennemies, contre des prisonniers de guerre et contre la population civile des territoires occupés.
(…)
A) Meurtres et mauvais traitements des civils originaires ou habitant les territoires occupés et en haute mer.
(…)
B) Déportation pour travail forcé, et pour d’autres buts, des civils originaires des pays occupés et y habitant.
(…)
C) Meurtres et mauvais traitements de prisonniers de guerre et autres membres des Forces armées des pays avec lesquels l’Allemagne était en guerre, et des personnes en haute mer.
« Les accusés maltraitèrent et laissèrent mourir des prisonniers de guerre en leur refusant une nourriture appropriée, un abri, des vêtements, des soins médicaux et autres, en les obligeant à travailler dans des conditions inhumaines, en les humiliant, en les torturant, en les massacrant. Le Gouvernement et le Haut Commandement allemands enfermèrent des prisonniers de guerre dans différents camps de concentration, où ils furent tués ou soumis à des traitements inhumains, au moyen de différentes méthodes exposées au paragraphe VIII A. »
« Il arrivait fréquemment que des membres des Forces armées des pays avec lesquels l’Allemagne était en guerre, fussent exécutés au moment où ils se rendaient. »
« Ces meurtres et ces mauvais traitements étaient contraires aux conventions internationales, particulièrement aux articles 4, 5, 6 et 7 du Règlement de La Haye de 1907, et aux articles 2, 3, 4 et 6 de la Convention des Prisonniers de Guerre (Genève 1929), aux lois et coutumes de la guerre, aux principes généraux du Droit pénal tels qu’ils dérivent du Droit pénal de toutes les nations civilisées, au Droit pénal interne des pays dans lesquels de tels crimes furent commis, et à l’article 6b du Statut. »
« Des précisions à titre d’exemple et sans préjudice de la production de preuves d’autres faits, sont données ci-après :
1. Dans les pays de l’Ouest :
(…)
« Dans les prisons militaires, dans les camps de représailles comme le camp de Rawa-Ruska, la nourriture était si insuffisante que les hommes perdaient plus de 15 kilos en quelques semaines. En mai 1942, à Rawa-Ruska, une seule miche de pain était distribuée pour chaque groupe de 35 hommes. »
Dix-neuvième journée : Audience du jeudi 13 décembre 1945.
- Exposé du Major William F. Walsh, Assistant Trial Counsel for the United States.
[Actes relevant du Chef d’accusation N° 4 – Crimes contre l’Humanité.]
(…)
« Mon vocabulaire n’est pas assez riche pour donner une impression exacte des conditions de vie telles qu’elles sont exposées dans le rapport de Katzmann, Generalleutnant de la Police, en date du 3 juin 1943, adressé à Krüger, Général de la Police dans l’Est et intitulé : « Solution du problème juif en Galicie ». Je dépose le document L. 18 sous le N° USA-277. Plaise au Tribunal. Je citerai d’abord les trois dernières phrases précédant celle-ci : « Les conditions que nous avons trouvées dans les ghettos de Rawa-Ruska et Rothatyn étaient tout simplement catastrophiques. » – « Dans la crainte d’être évacués, les Juifs de Rawa-Ruska avaient caché dans des souterrains ceux d’entre eux qui étaient atteints du typhus exanthématique. Lorsque l’évacuation dut commencer, la police découvrit que 3 000 Juifs environ étaient atteints de cette maladie dans ce ghetto ». – « Les mêmes conditions ou à peu près régnaient à Rothatyn. »
Vingt-cinquième journée : Audience du mercredi 2 janvier 1946
- Exposé du colonel Robert G. Storey, Executive Trial Counsel for the United States.
« Les exécutions ne doivent pas avoir lieu dans le camp ou environs immédiats du camp. Dans les camps du Gouvernement Général situés à proximité de la frontière, les prisonniers qui doivent subir le traitement spécial doivent, autant que possible, être conduits en territoire anciennement soviétique. »
(…)
« La preuve que les personnes triées par la Gestapo dans les camps de prisonniers étaient exécutées figure au document PS-1165 que je n’ai pas l’intention de lire puisqu’il a déjà été présenté précédemment sous le N° USA-244. Il montre que les éléments triés étaient exécutés. »
(…)
« Il existait dans les camps de prisonniers du front de l’Est de petites équipes nommées « Einsatz-kommandos » dont les chefs étaient des membres subalternes de la Gestapo. Ces équipes étaient détachées auprès des Commandants de Camps et avaient pour mission de trier, conformément aux ordres reçus, et de signaler à la Gestapo les prisonniers de guerre à exécuter. »
« Les prisonniers de guerre évadés qui étaient repris étaient renvoyés par la Gestapo et le SD dans des camps de concentration et exécutés. »
(…)
Vingt-cinquième journée : Audience du mercredi 2 janvier 1946 (suite)
- Exposé du Lieutenant Commander Whitney R. Harris, Assistant Trial Counsel for the United States.
[Il présente le livre de documents concernant l’accusé Kaltenbrunner]
(…)
« Le premier crime dont Kaltenbrunner s’est rendu responsable en tant que chef de la Police de Sûreté et du SD est le meurtre, après mauvais traitements, des civils des territoires occupés, à l’actif des Einsatzgruppen. »
(…)
« Le second crime dont Kaltenbrunner se soit rendu responsable en tant que chef de la Police et du SD est d’avoir fait exécuter certains indésirables raciaux et politiques triés dans les camps de prisonniers de guerre par la Gestapo. »
(…)
« Le troisième crime dont Kaltenbrunner s’est rendu responsable consiste à s’être fait livrer, après leur arrestation, les prisonniers de guerre évadés. »
Quarante-sixième journée : Audience du mercredi 30 janvier 1946.
- Exposé de M. Charles Dubost, substitut du procureur général pour la République française.
« Ainsi, nous considérons comme provisoirement établie la preuve que l’Allemagne, dans ses camps d’internement, dans ses camps de concentration, poursuivait une politique tendant à annihiler ses ennemis, à les exterminer en même temps qu’à créer le régime de terreur qu’elle exploitait, pour faciliter la réalisation de ses buts politiques. »
« Un autre aspect de cette politique de terreur et d’extermination apparaît lorsqu’on étudie les crimes de guerre commis par l’Allemagne sur la personne de prisonniers de guerre. Ces crimes, nous allons vous le montrer, obéissaient, entre autres, à deux mobiles : avilir le plus possible les captifs pour atteindre leur énergie, les démoraliser, les amener à douter d’eux-mêmes et du mérite de la cause pour laquelle ils s’étaient battus et désespérer de l’avenir de leur patrie. »
« Le deuxième mobile : faire disparaître ceux d’entre eux qui par leurs antécédents ou encore par les signes qu’ils avaient donnés depuis leur capture, se révélaient comme inadaptables à l’ordre nouveau que les nazis entendaient instaurer. »
« Dans ce but, l’Allemagne a multiplié les traitements inhumains, tendant à avilir les hommes qu’elle détenait qui étaient des soldats et qui s’étaient livrés, confiants dans le sens de l’honneur militaire de l’Armée à laquelle ils se rendaient. Les transferts de prisonniers se sont effectués dans des conditions inhumaines. »
(…)
De semblables constatations résultent des rapports de la Croix-Rouge.
« Berger, chargé des prisonniers de guerre sous l’autorité de Himmler, à dater du 1er octobre 1944, a reconnu, au cours de son interrogatoire, que l’alimentation des prisonniers de guerre était tout à fait insuffisante. Le Tribunal trouvera, page 3 du livre de documents qu’il a sous les yeux, un extrait de l’interrogatoire de Berger. »
« Des mesures bien plus graves furent prises contre nos prisonniers de guerre par les autorités allemandes lorsque, par patriotisme, certains de nos prisonniers firent sentir aux Allemands qu’ils n’étaient pas décidés à entrer dans la voie de la collaboration avec l’Allemagne. Les autorités allemandes les considéraient comme inassimilables et dangereux, leur courage et leur fermeté inquiétaient l’Allemagne, et ce furent de véritables assassinats qui furent prescrits à leur encontre. Nous connaissons de nombreux exemples d’assassinats de prisonniers de guerre. Les victimes ont été essentiellement :
1 – les hommes de commandos [forces spéciales].
2 – les aviateurs.
3 – les prisonniers évadés.
Ces assassinats ont été pratiqués par le moyen de la déportation, de l’internement de ces prisonniers dans des camps de concentration.
Internés dans ces camps, on leur appliquait le régime que vous connaissez et qui les conduisait fatalement à la mort, ou bien on les tuait simplement d’une balle dans la nuque, tel le procédé KA, qui vous a été décrit par mes collègues américains et sur lequel je ne m’attarderai pas.
Dans d’autres cas, on les a remis à la Gestapo et au SD, services qui, vous le verrez à la fin de mes exposés, avaient dans les dernières années de l’occupation, le droit de procéder à des exécutions. »
Quarante-huitième journée : Audience du vendredi 1er février 1946.
- Exposé de M. Charles Dubost, substitut du procureur général pour la République française (suite).
(M. Dubost, ayant terminé l’exposé des faits qui, dit-il, est une aride énumération de crimes, d’atrocités, d’exactions de toutes sortes, volontairement présentée dépouillée de tout artifice oratoire, les faits ayant une éloquence profonde qui suffit, poursuit sa tâche en donnant une qualification juridique aux faits, en les analysant par référence à la règle juridique dont ils sont en violation et en précisant les inculpations fixant les responsabilités de chaque accusé).
« De dire Göring, Keitel, Jodl, Speer et Sauckel, coupables d’avoir pris part à l’exécution de ce dessein, en exposant la santé et la vie des prisonniers de guerre, notamment en les soumettant à des privations et à des sévices, en les exposant ou en tentant de les exposer à des bombardements ou à d’autres risques de guerre. »
« De dire Göring, Keitel, Jodl, Kaltenbrunner et Bormann, coupables d’avoir pris part à l’exécution de ce dessein, en ordonnant personnellement ou en provoquant l’établissement d’ordres tendant à l’assassinat terroriste ou au lynchage par la population de certains combattants, plus particulièrement des aviateurs et des membres de groupes de commandos, ainsi qu’à l’assassinat terroriste ou à l’extermination lente de certaines catégories de prisonniers de guerre. »
« De dire Keitel coupable d’avoir pris part à l’exécution de ce dessein, en prescrivant la déportation de civils innocents et en appliquant à certains le régime « N.N. » qui les vouait à l’extermination. »
(Suivant d’autres qualifications)… etc.
« De dire l’O.K.W., l’O.K.H. et l’O.K.L. coupables de l’exécution de ce dessein, en participant à l’élaboration de la doctrine des otages comme moyen terroriste et en prescrivant la prise et l’exécution d’otages dans les pays de l’Ouest, en ramenant à un niveau avilissant les conditions matérielles de vie des prisonniers de guerre, en privant ceux-ci des garanties qui leur étaient accordées par la coutume internationale et le Droit international positif, en ordonnant ou en tolérant l’utilisation des prisonniers de guerre à des travaux dangereux ou en relation directe avec les opérations militaires, en ordonnant l’exécution de prisonniers évadés ou tentant de s’évader, et celle des membres de groupes de commandos, en donnant, aux SS et au SD des directives pour l’extermination des aviateurs. »
(…)
« De dire les SS, le SD et la Gestapo coupables de l’exécution de ce dessein, en donnant des ordres directs pour l’exécution ou la déportation, en vue de l’extermination lente, des membres de groupe de commandos, des aviateurs, des prisonniers évadés, réfractaires au travail ou rebelles à l’ordre nazi, en interdisant la répression des actes de lynchage commis par la population allemande à l’égard d’aviateurs abattus. »
« De dire encore les SS, le SD et la Gestapo coupables d’avoir torturé et exécuté sans jugement des membres de la résistance. »
(…)
« De dire le Gouvernement du Reich et le Corps des chefs politiques du parti nazi coupables d’avoir, dans le but de dominer et l’Europe et le Monde, conçu et préparé l’extermination de combattants réduits à merci, la démoralisation, l’exploitation intensive et l’extermination de prisonniers de guerre et d’y avoir participé. »
Cinquante-troisième journée : Audience du jeudi 7 février 1946
- Exposé de M. Constant Quatre, substitut du procureur pour la République française.
[Exposé des charges contre l’accusé Keitel.]
[Document R.F. 1446, PS-016, déposé le 11-12-45 par le Ministère Public Américain sous le N° USA-168.]
« L’utilisation de tous les prisonniers de guerre et l’emploi d’un nombre gigantesque de nouveaux travailleurs civils étrangers, hommes et femmes, sont devenus une nécessité indiscutable pour résoudre le programme de mobilisation du travail dans cette guerre. »
(…)
« Cette mise à la disposition de l’économie de guerre allemande d’un tel contingent de prisonniers de guerre implique une collusion parfaite entre les services du travail confié à Sauckel et Keitel, chef de l’OKW, responsable à ce titre de ce réservoir de main-d’œuvre et de son utilisation. »
« Ces violations flagrantes des Conventions de La Haye et de Genève devaient s’accompagner de mesures inspirées ou autorisées par les accusés, d’un caractère plus grave encore, en ce sens qu’elles ne touchaient pas seulement aux droits des prisonniers de guerre, mais étaient susceptibles d’entraîner des atteintes à leur personne physique, pouvant aller jusqu’à la mort. »
Cinquante-quatrième journée : Audience du vendredi 8 février 1946
- Exposé du général R. A. Rudenko, procureur général pour l’URSS.
[Un plan de préparation des crimes de guerre se complétait par une série d’instructions. L’une d’elles dit notamment :]
« Sur le théâtre des opérations militaires, le Reichsführer SS se voit investi par ordre du Führer de tâches spéciales concernant la préparation du Gouvernement politique, qui découle de la lutte finale et suprême entre deux systèmes politiques opposés. Dans le cadre de ces tâches, le Reichsführer agit indépendamment, sous sa propre responsabilité. »
(…)
[Parlant des camps de prisonniers de guerre créés sur le territoire de la 1ère région militaire et sur celui du « Gouvernement Général » :]
« Dans ces camps de prisonniers de guerre, de même que dans les camps destinés à la population civile, on pratiquait l’extermination et des tortures, appelées par les Allemands « filtrage », « exécution », « traitement spécial ». Le « Gross-Lazarett » construit par les Allemands dans la ville de Slavouta a laissé un sombre souvenir. Le monde entier connaît les atrocités commises par les Allemands sur la personne des prisonniers de guerre soviétiques et des prisonniers des pays démocratiques à Auschwitz, Maïdanek et dans de nombreux autres camps. »
« Là étaient appliquées les directives de la Police de sécurité allemande et du SD, élaborées en accord avec l’Etat-Major du Haut Commandement des Forces Armées dont le chef était l’accusé Keitel. »
« Dans l’ordre d’opération N° 8, il était dit : « Les exécutions ne doivent pas avoir lieu dans le camp ou le voisinage immédiat du camp; Si les camps du Gouvernement Général se trouvent à proximité immédiate de la frontière, il faut autant que possible envoyer les prisonniers pour un traitement spécial dans les anciens districts soviétiques. Si des exécutions deviennent nécessaires par suite de violation de la discipline du camp, le chef de l’équipe d’exécution doit, dans ce cas, s’adresser au commandant du camp. L’activité des « Sonderkommandos », avec la sanction : des commandants des arrières de l’Armée (chefs de districts pour les affaires des prisonniers de guerre) doit se passer de façon que le filtrage, dans la mesure du possible passe inaperçu. La liquidation doit être faite sans délai, et à une distance des camps de triage et des points habités telle que le reste des prisonniers et la population n’en sachent rien. »
Cinquante-huitième journée : Audience du vendredi 13 février 1946
- Exposé du colonel Y. V. Pokrovsky, substitut du procureur général pour l’URSS.
« Dans notre document URSS-6 (c) sont mentionnés les rapports d’expertise des médecins légistes et les conclusions de ces expertises. Nous les trouvons aux pages 9, 10, 11 et 12 du document. Je me permettrai de donner un résumé de ce rapport et de citer quelques mots de ces conclusions. Dans ces rapports, il est dit que, dans la ville de Rawa-Ruska, située à 52 kilomètres au nord-est de la ville de Lwow, les hitlériens avaient organisé un grand camp pour les prisonniers de guerre. Dans ce camp furent détenus et périrent un grand nombre de prisonniers de guerre soviétiques et français. Ils furent fusillés, moururent de maladies contagieuses ou des suites de la famine. Les recherches des médecins légistes ont permis la découverte d’une série de fosses de grandes dimensions. Certaines d’entre elles étaient camouflées à l’aide de plantes et de verdure. On y découvrit une quantité importante de cadavres en vêtements militaires ou semi-militaires. Sur certains d’entre eux furent découvertes des plaques d’identité des soldats de l’Armée rouge. L’âge des prisonniers de guerre dont les cadavres ont été retirés des fosses varie de 20 à 40 ans. »
[Le Colonel Prokovsky poursuit son exposé, relaté dans les pages 379, 380 et suivantes, sur les conditions de vie et de mort des stalags de la série 300 dont Rawa-Ruska faisait partie.]
« Au camp 336 [à Kaunas, Lithuanie] était appliqué aux prisonniers de guerre un régime de brimades et de tortures sauvages. (… ) Les prisonniers de guerre étaient voués à l’épuisement et à la mort par la faim. (…) [Un témoin :] « Les prisonniers de guerre souffraient atrocement de la faim ; j’ai vu comment ils arrachaient de l’herbe et la mangeaient ». (…) 35 000 prisonniers de guerre sont enterrés ici. »
(…)
« Au stalag 350 [à Riga], qui exista de juillet 1941 à octobre 1944, les prisonniers de guerre soviétiques étaient détenus dans des conditions inhumaines. Le bâtiment où ils étaient logés était sans fenêtres et n’était pas chauffé. (…) [Un témoin, ex-P.G :] « Nous ne recevions que 180 grammes de pain dont la moitié se composait de sciure et de paille [n.d.l.r. : quantité supérieure à celle distribuée à Rawa-Ruska !] et un litre de potage non salé fait avec des pommes de terre non épluchées et pourries. Entre décembre 1941 et mai 1942, 30 000 prisonniers de guerre ont péri par la faim, le froid, les coups, le typhus exanthématique, ou bien ont été exécutés. (…) D’après un rapport original, au stalag 350 et dans ses dépendances, les Allemands ont torturé et fusillé plus de 130 000 prisonniers de guerre soviétiques. »
(…)
« Au stalag 340 [à Daugavpilce (Dvinsk)], au cours des trois années, plus de 124 000 prisonniers de guerre soviétiques y ont trouvé la mort, due à la faim, aux mauvais traitements et aux exécutions… »
(…)
Le Ministère public soviétique dispose d’une quantité importante de documents qui accusent les envahisseurs hitlériens d’innombrables autres crimes contre les prisonniers de guerre dans la région de Lwow.
Il sera suffisant de citer un extrait du témoignage de D. Sh. Manoucievitch, confirmé par les déclarations des deux autres témoins F. G. Ash et G. Y. Hamaidess. Je vous soumets ces trois documents toujours sous le même numéro 6 (b).
Ces trois témoins ont travaillé pendant un certain temps à brûler les cadavres des gens abattus par les Allemands dans la région de Lwow, notamment dans les bois de Licenitski, Manoucievitch déclare (je cite à la vingtième ligne à partir du bas de la page 2 de notre numéro 6 (b), page 129 de votre livre de documents) :
« Après qu’on eût fini de brûler les cadavres, on nous amena en voiture « la brigade de la mort », la nuit, au bois de Licenitski, juste en face de la fabrique de levure de Lwow. A cet endroit de la forêt se trouvaient environ 45 fosses contenant les cadavres de ceux qui avaient été fusillés en 1941-1942. Il y avait, dans ces fosses, de 500 à 3 500 cadavres. »
« Il y avait là des cadavres, aussi bien des soldats italiens, français, belges et russes, c’est-à-dire de prisonniers de guerre que de paisibles habitants. Tous les prisonniers de guerre étaient ensevelis en uniforme, c’est pour cette raison qu’au moment où on les déterrait, j’ai pu les distinguer d’après leurs uniformes, leurs insignes, leurs boutons, leurs médailles et décorations, etc. Tout a été brûlé après l’exhumation. On suivait le même procédé qu’au camp de Yanov : on semait de l’herbe sur l’emplacement des fosses, on y plantait des arbres et des troncs d’arbres coupés. Tout était fait dans le but d’effacer les traces de ces crimes certainement sans précédent dans l’histoire de l’Humanité. »
Soixantième journée : Audience du vendredi 15 février 1946
- Exposé du colonel L. N. Smirnov, conseiller général à la Justice, avocat général soviétique.
[Document n° URSS-3].
« Pour exécuter ces plans criminels, les envahisseurs allemands créèrent des unités spéciales dénommées « Sonderkommandos » qui sévirent dans les camps permanents et de transit des prisonniers de guerre, en Allemagne, dans le territoire qu’ils appelèrent « Gouvernement Général de Pologne », ainsi que dans les régions occupées de l’Union Soviétique. »